Toutefois, tous ces obstacles n'empêchaient pas l'imam Hossein (as) de réagir face aux innovations et aux innombrables injustices perpétrées par Mouawiya. Dans un contexte aussi étouffant où nul n'avait le courage de broncher, l'imam Hossein (as) s'est dressé autant qu'il pouvait face aux exactions de Mouawiya. Nous apportons ici 3 exemples de combats de l'imam Hossein (as) contre le régime de Mouawiya.
1- les discours et les lettres ponctuées de protestations
Au cours des 10 ans de son règne, l'imam Hossein (as) demeura actif sur la scène politique et il échangea beaucoup de correspondances avec Mouawiya, une série de communications qui traduit l’intransigeante position révolutionnaire de l'imam face au fils d'Abou Soufiyane. L'imam réagissait sévèrement au moindre geste anti-islamique et aux crimes perpétrés par Mouawiya.
Opposition de l'imam Hossein contre la désignation de Yazid comme prince héritier
La réaction de l'imam par rapport à la présentation de Yazid comme le futur guide de la communauté en est un illustre exemple. Durant la vaste campagne amorcée pour présenter Yazid comme le futur guide, Mouawiya effectua un voyage sur Médine afin d'obtenir l'allégeance de ses habitants, surtout les hautes personnalités comme l'imam Hossein (as). Il rencontra Hossein ibn Ali (as) et Abdellah ibn Abbas après son arrivée dans la ville. Il évoqua la question de la succession de Yazid à tête de la nation islamique, tout en s'efforçant d'obtenir l'approbation de ceux-ci. L'imam Hossein (as) répondit ainsi à ses déclarations : " tu as dérapé sur les mérites et les qualités que tu t'arroses. En t'accaparant les biens publics tu as commis une injustice grave. Tu te refuse à restituer les biens d'autrui et tu t’es lancé dans les exactions si bien que tu ne sais même pas que tu as dépassé les limites. Et comme tu refuses de restituer les droits des gens, le Satan s'est emparé de toi entièrement. J'ai compris ce que tu as dit sur la compétence et les mérites de Yazid à diriger la communauté islamique. Tu as décrit Yazid comme si tu cherchais à présenter quelqu'un dont la vie n'est pas connue de tous. Tu parles d'une personne absente comme si le peuple ne l'avait pas encore vu, comme si tu étais le seul à avoir des informations sur lui. Yazid n'est pas ce que tu présentes ou ce que sa nature traduit. Présente Yazid tel qu'il est. Yazid est un jeune homme dresseur de chiens qui passe sa vie à s'amuser avec les pigeons, à chanter et à jouir des plaisirs. Présente-le ainsi et laisse ces efforts inutiles! Les péchés que tu as déjà portés de cette communauté sont nombreux. Ne fais pas en sorte que le poids des péchés pèse plus que ça lorsque tu iras à la rencontre de ton Dieu. Tellement tu as appliqué de fausses politiques injustes sur ce peuple qu'il en a marre. A présent qu'il n'y a plus qu'un clin d'œil entre la mort et toi, saches que tes actes sont enregistrés et conservés auprès de Dieu et tu répondras de tes agissements le jour du jugement…
Inquiétude de Mouawiya sur l'éventualité d’un soulèvement de l'imam Hossein (as)
Durant cette période, Marwane ibn Hakam qui avait été investi par Mouawiya comme gouverneur de Médine lui avait écrit ceci: "Amrou ibn Ousmane m'a rapporté que de groupes et des personnalités d'Irak et du Hijaz font des vas et vient chez Hossein ibn Ali (as). Il exprimait ceci: "je ne suis pas sûr que Houssein puisse rester tranquille sans se révolter". Marwane ajoute dans sa lettre : "j'ai fait des investigations à ce sujet et je conclue selon les informations que j'ai obtenues qu'il n'a pas l'intention de se révolter. Je ne suis pas sûr que tel soit le cas dans le futur. Ecrivez votre avis sur la question après avoir reçu cette correspondance. Mouawiya répondit à Marwane et adressa en même temps une lettre à Hossein ibn Ali (as) dans laquelle il écrit: "j'ai reçu un rapport sur une partie de tes activités et si c'est fondé, je pense que cela ne te ressemble pas. Je jure par Dieu que toute personne qui prend des engagements doit les respecter. Et si ce rapport n'est pas fondé, tu es le mieux placé pour te comporter de manière à respecter ces accords. Fais attention à toi et respecte tes engagements. Si tu t'opposes à moi, tu seras confronté à une hostilité. Si tu fais ce qui est mauvais, tu verras ce qui est mauvais. Abstiens-toi de semer la division dans la communauté…[1]
Réponse historique de l'imam Hossein (as) à Mouawiya
L'imam Hossein (as) répondit ceci: " Ta lettre m'est parvenue. Tu écris que tu as reçu des informations à mon sujet et selon toi cela ne me ressemble pas. Il faut savoir que seul Dieu guide l'homme vers les bons actes et lui donne l'opportunité de les accomplir. Ce qu'on t'a rapporté à mon sujet n'est qu'un tissu de propos fabriqués par les diffamateurs, les colporteurs et les gens résolus à semer la discorde. Ces égareurs irréligieux ont menti. Je n'envisage aucune guerre contre toi et je n'ai pas aucunement l'intention de me révolter. C'est par crainte de Dieu que je me garde d'une révolte contre toi et tes amis injustes avec qui vous formez le parti de Satan. N'est-ce-pas toi qui a assassiné Hajar ibn Adi et ses compagnons? Assassin des gens qui priaient et qui adoraient Dieu, des gens qui luttaient contre les innovations et invitaient les gens à faire le bien et laisser le mal. Après leur avoir juré qu'ils étaient en sécurité et que tu ne les persécuteras pas par rapport aux évènements passés, tu n'as pas hésité à agir contrairement à ton serment et tu les as injustement assassinés. Tu as défié Dieu par cet acte en simplifiant son engagement. N'as-tu pas assassiné Amrou ibn Hamik, ce musulman croyant dont le visage et le corps avait changé par excès d'adoration? Ne lui as-tu pas donné ta parole qu'il était en sécurité puis tu l'as assassiné après avoir violé ta promesse? Une promesse qui aurait convaincu le plus primitif des arabes de descendre du sommet des collines? N'est-ce pas toi qui fait de Zyad (fils de Soumeya) ton frère en l'appelant fils d'Abou Soufiyane alors que le prophète (ç) a dit: "le nouveau-né appartient à son père et que l'adultérin doit être lapidé". Si seulement les choses s'arrêtaient là. Mais hélas ce ne fut le cas. Après avoir fait du fils de Soumeya ton frère, tu l'as imposé à la communauté islamique et avec le pouvoir que tu lui as conféré il s'est mis à massacrer les musulmans, à leur couper les mains et les pieds avant de les pendre! Tu as tellement rendu la vie difficile à cette communauté comme si tu n'y appartenais pas ou qu'elle t'avait rejeté. N'es-tu pas l'assassin de Hadharami dont l'unique crime tel que rapporté par ce même Zyad est d’avoir adhéré à la religion d'Ali (as)? La même religion d'Ali (as) n'est rien d'autre que celle de son cousin le prophète (ç). Et celle au nom de laquelle tu t'appuies actuellement pour ton justifier ton pouvoir? Sans cette religion, tes pères et toi serez encore en train d'errer dans l'ignorance et l'obscurantisme. Ton plus grand exploit demeure les peines et les difficultés de deux voyages d'été et d'hiver sur le Yémen et la Syrie. Mais à travers nous les Ahl-ul-bayt, Dieu vous a sauvés de cette mauvaise vie.
O Mouawiya! L'une de tes déclarations consiste à me demander de ne pas semer la discorde dans la communauté. Je ne vois aucun facteur de division dans cette communauté plus grand que ton régime. Tu me demandes de faire attention à mon comportement ma religion et la communauté de Mohammad (ç). Lorsque je réfléchis sur mes devoirs et que je regarde ma religion et la communauté de Mohammad (ç), je ne vois pas d'autres obligations plus importantes que celles de te combattre et ce combat est un jihad pour la cause de Dieu. Je demande pardon à Dieu pour le fait que je me retiens à t'affronter (pour un certain nombre de raisons). J'implore Dieu pour qu'il me guide et m'inspire ce qui va dans le sens de son agrément (car il peut arriver que ces excuses ne soient approuvées auprès de lui). Tu dis par ailleurs que si je te fais du mal tu me feras du mal et si je me comporte en ennemi vis-à-vis de toi, tu me prendras pour ennemi. Je dois dire que les gens biens ont toujours été confrontés aux ennemis dans ce monde. Je souhaite que ton aversion contre moi ne me cause guère de tort et que tes mauvaises intentions retournent avant tout vers toi. Que tes actes l'anéantissent. Donc, manifeste ton adversité autant que tu peux. Mouawiya! Crains ton Dieu et sache que tes petits et graves péchés sont tous enregistrés dans un dossier auprès de Dieu. Sache aussi que Dieu ne réduira pas à l'oubli les crimes que tu commets en tuant les gens par simple présomption ou en les arrêtant uniquement sous la base de soupçons et en livrant en pâture aux chiens les nouveau-nés. Tu t'es précipité vers l'abîme avec tes actes. Tu as vendu ta religion et violé les droits du peuple. Salam"[2]
[1] Ikhtiyâr ma'refati rijâl, Mohammad ibn Hassan Tousi, revisé et corrigé par Hassan Moustafavi, Mashad, université de Mashad.
[2] Même livre, ibn Kouteyba Deynouri, vol 1, page 180. Cette lettre est aussi citée dans Behar Ul anouar avec des légères différences au niveau des mots, vol 44, page 212. Ihtijâj Tabrisi (Najaf, matba'at mortadhavviya) vol 2, page 161; Ikhtiyar ma'refati rijâl, revue et corrigé par Hassan Moustafavi, Mashad, université de Mashad 1348, page 48. Nous avons préféré la traduction tirée d'al imam wa siyâssa